Le 31 mars, J. Biden a dévoilé l’American Jobs Plan : un plan d’infrastructure massif de 2,3 trillions de dollars. Il vise à améliorer la productivité de l’économie américaine, accélérer la création d’emplois et soutenir la transition écologique, par une approche qualifiable de néo-Rooseveltienne. Un plan d’une telle ampleur n’a en effet pas été vu depuis le New Deal de 1933.
La priorité du plan est de rénover les infrastructures du pays. Plus de 620 milliards de dollars seront consacrés à l’amélioration des réseaux de transport, notamment les routes, les chemins de fer et les ponts.
- J. Biden consacrera 80 milliards de dollars à l’amélioration du réseau ferroviaire national pour le transport de passagers et de marchandises, qui a toujours été très vétuste.
- Amtrak, la National Railroad Passenger Corporation, a simultanément dévoilé un plan ambitieux visant à développer le système ferroviaire américain d’ici 2035, avec une modernisation complète du corridor nord-est ainsi que l’ouverture de plus de 20 nouvelles lignes et 20 millions de clients supplémentaires par an.
- L’objectif principal de J. Biden est de développer une véritable alternative au transport aérien, le transport étant la principale source d’émissions de gaz à effet de serre aux Etats-Unis. Il devrait également permettre de lutter contre les problèmes de circulation et favoriser la mobilité des travailleurs.
- Alors que l’industrie ferroviaire mondiale a subi très peu de transformations majeures au cours des dernières décennies, ce changement de paradigme aux États-Unis pourrait favoriser l’émergence de solutions ferroviaires innovantes à grande échelle. À l’inverse, il semble de plus en plus improbable que l’industrie aérospatiale revienne à la normale.
Si l’on peut s’attendre à des effets positifs sur la croissance à long terme de l’économie américaine, J. Biden devra tirer les leçons de la fin du New Deal, lorsque le resserrement brutal des finances publiques et l’excès de réglementation ont totalement annulé les avantages du plan et conduit à la récession de 1937-38.
Pour financer son plan, le président américain veut faire passer le taux d’imposition des sociétés de 21 % à 28 %, ce qui constituerait la première augmentation importante de l’impôt fédéral depuis 1993.
- Cette mesure marque une rupture avec la tendance mondiale, puisque le taux moyen d’imposition des sociétés dans les pays de l’OCDE a baissé d’environ 10 points au cours des deux dernières décennies. Les Républicains et de nombreux groupes d’entreprises ont exprimé de sérieuses inquiétudes quant à la compétitivité des multinationales américaines.
- Même certains démocrates exhortent M. Biden à explorer d’autres alternatives, telles qu’une augmentation des taxes sur l’essence ou un nouveau financement par emprunt. Pourtant, la marge de manœuvre sur les marchés de la dette n’est pas infinie pour les États-Unis. Le jour de l’annonce de J. Biden, le rendement du Trésor américain à 10 ans a légèrement augmenté pour atteindre son plus haut niveau depuis 14 mois, en partie à cause des craintes inflationnistes.
Pour protéger l’économie américaine d’une concurrence fiscale, la secrétaire au Trésor J. Yellen appelle à un projet très ambitieux d’harmonisation fiscale mondiale.
- Alors que les États-Unis font déjà pression pour obtenir des accords multilatéraux sur la fiscalité numérique à l’OCDE, J. Yellen veut aller encore plus loin en mettant en place un impôt minimum mondial sur les sociétés, au moins au sein des pays du G20.
- Une telle mesure permettrait de réduire l’impact de l’augmentation de l’impôt sur les sociétés sur la compétitivité des entreprises américaines. Si les Etats-Unis ont un intérêt personnel fort à voir ce projet aboutir, il semble difficile d’envisager un accord mondial ambitieux à court terme.
J. Biden envoie avec ce plan un message fort et entend réaffirmer son leadership économique et réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine, notamment sur les chaînes de valeur stratégiques.
L’Union Européenne se retrouve quant à elle contrainte d’envisager de nouvelles mesures afin que le fossé économique avec les États-Unis ne se creuse pas davantage.